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La marchandise est au centre de nos vies. Jamais l'Homme n'a été aussi envahi par autant d'objets, jamais il n'est arrivé à en produire aussi massivement et jamais il n’en a été aussi dépendant.

 

Dès leur fabrication, ces marchandises sont l'objet de toutes nos attentions. Puis durant leurs utilisations quotidiennes, elles sont au centre de toutes nos préoccupations.

 

Bien que d'apparitions récentes, on a du mal à seulement s’imaginer pouvoir vivre sans son téléphone portable, sans son automobile, sans sa télévision. S'en séparer, pour beaucoup, serait un calvaire.

 

Et d'années en années, la liste de ces marchandises, dont on ne peut plus se défaire, s'allonge.

 

C'est la vie moderne nous dit-on. Cette vie où ces objets, qui devaient nous permettre d'acquérir plus de temps ou de liberté, nous font perdre notre autonomie et nous aliènent.

 

Pourtant, tous ces objets si choyés sont très vite jetés, sans aucune considération, pour

être aussitôt remplacés par d'autres. Et ils finissent tous, par s'entasser dans nos innombrables décharges polluantes.

 

Le fétichisme de la marchandise

 

On a du mal à comprendre cette fascination débordante que nous portons sur toutes ces marchandises. On sait qu'elles finissent toujours par nous rendre dépendants, on sait que leur production est souvent à l'origine du déséquilibre écologique. On le sait mais rien n'y fait. Ce désir de les posséder est bien plus fort.

 

En fait, ce n'est pas la marchandise en elle même qui est l'objet de notre admiration. C'est ce que qu'on croit qu'elle porte. Ce sont toutes ces promesses de joies, de plaisirs, de sentiments d'éternité, d'épanouissements individuels et de reconnaissances qu'elles sont censées procurer.

 

Le martèlement incessant des messages publicitaires est là pour nous en persuader, si certains osent encore en douter. Et on sait qu'il suffit de le répéter pour finir par en faire une vérité.

 

Croire qu'un simple objet possède le pouvoir de répondre à ces besoins existentiels et sécurisants qui donnerait un sens à notre vie, c'est ce qu'on appelle le fétichisme de la marchandise.

 

Car, aujourd'hui, nous ne sommes plus dans de banals actes de consommation mais bien dans une adoration aliénante qui donne à ces marchandises que nous fabriquons des pouvoirs surnaturels et irrationnels.

 

Répondre à un besoin existentiel

 

Le sens étymologique de « al-imân » (qu'on traduit usuellement par « la foi ») est « ce qui sécurise ».  Ainsi « Âmanu bi-l-Llah » ne devrait pas être traduit par « J'ai la foi en Dieu » mais plutôt par « Je me sécurise en Dieu ».

 

La définition de la foi en Islam est totalement liée à cette notion de sécurité et de paix véritable qu'on ne peut retrouver qu'en Dieu.

 

Car face aux défis et aux craintes de cette vie ici-bas ou aux enjeux et aux angoisses liés à celle de l'au-delà, l'Homme n'aspire qu'à une seule chose : ressentir la sécurité d'un cœur apaisé.

 

Quand on retire à l'Homme sa capacité de retrouver ce sentiment à travers la proximité divine, il va nécessairement le rechercher ailleurs, à travers la possession d’objets : dans cette automobile qui l'isole mais le protège ou dans toutes ces innombrables marchandises dont ils s’entourent pour se rassurer même artificiellement, même temporairement.

 

Toujours plus…

 

Et si ces marchandises ne lui permettent pas d’obtenir ce qu’il souhaitait, d'autres marchandises toujours plus puissantes, toujours plus performantes ne le décevront plus, espère-t-il.

 

Le mensonge publicitaire crée le désir. La désillusion, après l’achat, engendre cette frustration qui nous entraîne vers plus d'achats nécessitant plus d'argent donc plus de travail ou plus d'endettement, etc.

 

Chez  l'homme en perte de référence spirituelle, ce sentiment de frustration est nécessaire pour faire tourner à plein régime cette machine à produire le profit :

 

De l’argent ---> pour créer de la marchandise----> qui, vendue, produit plus d’argent ----> pour produire encore plus de marchandises---> pour générer encore plus d’argent.

 

C’est ce qu’ils appellent la « croissance » qui est devenue le veau d’or de nos sociétés modernes. C’est la bête immonde qui mérite tous ces sacrifices humains, sociaux ou écologiques, sous peine – prétendent-ils – de voir s’écrouler tout notre monde. Et consommation, croissance, concurrence, production, rentabilité, etc. sont les nouveaux termes sacrés de la liturgie marchande.

 

Il faut donc travailler et consommer en permanence, même au-delà de nos besoins. C’est la grande nouveauté de nos sociétés modernes. L’Homme ne travaille plus et ne consomment plus pour ses besoins, il le fait aussi et d’abord pour les besoins de cette machine à créer le profit. L’homme n’est devenu qu’un moyen.

 

C’est lorsque l’on comprend cela qu’on peut comprendre les aberrations apparentes de notre système : le gaspillage, des appareils à durée de vie limité même si on a la capacité technologique de faire autrement, des terres mises en jachère ou des productions agricoles détruites alors qu’on souffre encore de la faim à quelques centaines de kilomètres des lieux de culture.

 

Une marchandise dont la vente n’est plus rentable, il faut la détruire même si d’autres en ont un besoin vital. Une marchandise qui crée de nouvelles dépendances, il faut la promouvoir car elle va permettre la vente de nouvelles marchandises même si cela aliène l’autonomie du consommateur, même si cela nuit à sa santé morale ou physique.

 

Quand la bête domine…

 

Cette méga-machine, en étant à l’origine des fulgurantes avancées technologiques, a tout d’abord permis à une minorité d’atteindre l’aisance matérielle. Dorénavant ce système, mondialisé et totalisant, œuvre contre les intérêts des êtres humains et pour la seule logique du profit, de l’argent pour plus d’argent.

 

Et plus personne ne contrôle la logique dévastatrice de cette bête immonde. Les marxistes se trompent en pensant que les plus puissants (qui détiennent le Capital) contrôlent le système.  Ils en profitent largement et ils font tout pour faire perdurer leur domination, c’est une évidence.

 

Mais comme la salarié qui vend sa force de travail au plus offrant jusqu’à s’épuiser, comme le consommateur qui use de son pouvoir d’achat pour espérer les meilleurs prix jusqu’à ruiner les producteurs locaux,  le capitaliste vend aussi son argent (son pouvoir d’investissement) aux plus offrants, là ou il espère en tirer le meilleur profit, même s’il faut délocaliser.  Et tous, nous sommes soumis à cette règle sacro-sainte de la concurrence : le salarié, le consommateur, l’entrepreneur ou le financier. Chacun a conscience qu’il doit faire mieux que l’autre pour vivre, faire disparaitre l’autre sinon disparaitre.

 

Il faut donc croitre, croitre, croitre ou mourir…

 

C’est cette règle qui donne sens à ce système, qui le rend aussi « dynamique » et « productif ».  Et cette règle doit être « libre » ; il faut comprendre, bien sur, que la concurrence doit être « sans limite » et  « sans éthique » pour établir le règne exclusif des lois de la productivité et de la rentabilité économique.

 

Dans le libéralisme économique, quand on revendique plus de libertés, c’est principalement pour dénoncer l’imposition de limites ou de règles morales.

 

Car quand la concurrence considère qu’un travail n’est plus rentable, le travailleur est « jeté », sans aucune considération, comme les marchandises qu’ils fabriquent. Il n’est d’ailleurs qu’une marchandise. Il faut avoir cette « liberté » de pouvoir « jeter » tous ce qui n’est plus rentable, homme ou choses.

 

Et lorsque, sans emploi, le « rejeté » n’a plus ce pouvoir d’achat, le seul pouvoir qui se respecte, il est alors classé parmi ces « surplus » d’êtres humains, ces gens « en trop », ces classes dangereuses qu’on doit surveiller, isoler, regrouper dans ces banlieues pauvres des villes du Nord ou derrière les frontières fortifiées nous séparant des peuples du Sud.

 

La bête puise sa force de notre misère existentielle

 

Aujourd’hui, nous sommes même plus soumis à d’autres hommes comme l’étaient les esclaves à leur maitre ou les serfs à leur seigneur, nous sommes soumis à un système qui se nourrit de la misère existentielle que nous a imposé la modernité. C’est une domination impersonnelle, basée sur nos frustrations d’êtres sans repère.

 

Car ce système, cette bête immonde se nourrit de l’absence de Dieu qui n’est plus au centre de tout. C’est l’homme isolé, séparé qui est dorénavant mis au centre.

 

Mais l’homme n’est pas au centre pour être honoré, il est au centre pour servir de cible. Il est au centre car la logique marchande ne peut pas faire valoriser son capital sans travailleur, sans consommateur. Ce n’est donc pas l’Homme qui est au centre, comme le prétendent les humanistes. Ce n’est que sa fonction de travailleur-consommateur. Et en fait, ce qui est réellement au centre, ce n’est que l’argent, le profit, la machine à valoriser du capital.

 

L’Homme qui se reconnaissait à travers son rapport à Dieu et à sa communauté (transcendance et lien social), n’est plus reconnu qu’à travers son rôle de consommateur et de producteur, les seules fonctions qui méritent d’être promues par cette logique de la marchandise. En dehors de cela, il n’est rien.

 

La modernité, issue des Lumières, à mis en place cette idée loufoque qu'un cœur ne peut être libéré qu'en se séparant de Dieu et de ses semblables (sa communauté).

 

L’Homme « moderne » ne doit plus être une « personne », c’est-à-dire un homme qui existe et qui doit être reconnu à travers ses multiples facettes identitaires (religieuses, culturelles, communautaires).

 

L’Homme « moderne » doit devenir un « individu », c’est-à-dire celui qui doit se « séparer » de toutes ses identités pour se « libérer » de toutes ces normes sociales, de tous ces dogmes cléricaux qui a pollué sa raison.

 

Le problème c’est que l’Homme « séparé » de tout, n’est plus un homme. Il peut rester un bon producteur et un utile consommateur, mais plus un Homme. Ainsi, en voulant fuir le dogmatisme clérical, l’Homme moderne, au cœur désemparé, s’est livré à l’adoration fétichiste de la marchandise.

 

Triste modernité qui a fuit une aliénation pour une autre…

 

Et, aujourd’hui, en mondialisant ce système de la modernité marchande, on voudrait imposer cette aliénation à tous les autres peuples de la planète.

 

Les deux piliers : philosophie des Lumières et économie libérale

 

Quand les marchands et les bourgeois firent tomber la noblesse et le clergé lors de la révolution française, c’était d’abord pour ériger de nouvelles normes sociétales qui répondraient à leurs intérêts.

 

Et l’intérêt des marchands, c’est qu’ils puissent vendre leurs marchandises sans aucune entrave. Le dogme proclamé fut donc la liberté :

 

– Dans la notion de liberté chez les philosophes des Lumières, c’est d’abord la liberté dans la rupture et la révolte, jamais dans la réconciliation ou la paix. C’est la liberté pour l’individu de ne vivre que selon ses propres  intérêts sans interférence aucune. C’est une liberté réclamée contre la puissance sociale et le contrôle des esprits de l’institution cléricale. Par la suite, la modernité associée à cette idée de « rupture » justifiera toutes les violences sociales et guerres « légitimes » au nom des « valeurs universelles » qui doivent dominer.

 

– Dans  la notion de liberté pour la bourgeoisie marchande qui accédait au pouvoir, c’est cette idée d’une liberté de posséder et d’échanger, sans aucune limite morale ni aucune limite imposée par les privilèges du sang. C’est une liberté réclamée contre les privilèges et l’organisation sociale dominante de la noblesse. Par la suite, cette liberté associée à la non-reconnaissance des limites (et donc des règles), légitimera le libéralisme qui imposera sa domination sociale et politique par l’argent et sa prédation de toutes les richesses de la planète.

 

L’association des deux, la « modernité marchande », c’est le règne de la domination violente « des valeurs humanistes » par l’argent et pour l’argent. Contre l’Homme, Dieu et Sa création.

 

Le fait de qualifier le système mondialisée qui nous domine par « capitalisme », « libéralisme » ou « néo-libéralisme », c’est lui donner qu’un seul aspect économique, ce qui est une erreur.

 

Le fondement de ce système est basé sur une croyance qui n’a pu se mettre en place qu’à partir des idées des Lumières, ce qu’on appelle la modernité.

 

Il n’est pas possible de critiquer le libéralisme économique sans remettre en cause la modernité et les philosophies humanistes des Lumières qui l'ont accompagné.

 

La modernité a chassé l'Homme, en l’isolant de Dieu, dans l’espoir que sa proie tombe dans les filets du libéralisme économique.  Et aujourd'hui, on voudrait s’en prendre aux filets sans parler du chasseur !

 

C'est la grande supercherie des mouvements de gauche et d'extrême-gauche qui adulent les idées des Lumières tout en critiquant les effets néfastes du libéralisme économique. Analyser la domination que sous son aspect économique, c’est se limiter aux apparences pour ne pas s’attaquer aux racines du mal qui obligerait à de lourdes remises en cause.

 

Basse hypocrisie ou ignorance coupable, ces deux monstruosités, modernité et libéralisme économique, se complètent et se renforcent. La bête immonde se mondialise en se nourrissant des deux, elle manipule le cœur des Hommes à son profit pour ensuite être présent dans tous les aspects de notre vie « marchandisés ». Et dans sa course vers une domination totale, elle ne produit que désolation sur notre planète.

 

Combattre la bête aujourd’hui, c’est combattre la « modernité marchande », c’est rétablir Dieu au centre de nos vies et de nos sociétés.  Au profit  de la paix des cœurs et au profit de la Justice.

 

Yamin Makri

Combattre la bête
Tag(s) : #Economie, #Réflexions
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